Le Ségur de la santé n’augure rien de bon et ne réglera rien sur le fond, parce que la crise de la santé n’est pas seulement financière et trouve en partie son origine dans la tête des Français.
’entendais sur FranceInfo un personnage de gauche bien connu, Axel Kahn, expliquer qu’il fallait augmenter de 10 à 20 % les dépenses de santé gérées par le ministère éponyme.
Au vu de la liste des participants à ce Ségur, et de l’ambiance actuelle totalement déconnectée de la réalité des comptes, je pense que le vœu de monsieur Kahn va se réaliser. Nous sommes déjà bien placés dans le monde en ce qui concerne les dépenses de santé par habitant.
Nous allons probablement gagner une place et dépasser les Allemands, pour nous retrouver juste derrière les États-Unis et les Suisses. Mais si nous rapportons les dépenses de santé par habitant au PIB par habitant, nous dépasserons les Suisses et nous nous trouverons en deuxième position, derrière les USA, pays qui, en raison de son système économique, consacre, de loin, le plus de dépenses de santé par habitant dans le monde.
J’ai apprécié les positions de monsieur Kahn lorsqu’il défendait les OGM, il y a longtemps. Mais je crois malheureusement que l’aphorisme « quand on n’est pas socialiste à vingt ans, c’est qu’on a pas de cœur, mais quand on est toujours socialiste à cinquante, c’est qu’on n’a pas de tête » se rapproche beaucoup de la réalité. Par ailleurs, monsieur Macron ne fait pas exception non plus à cette réalité, mais il est vrai qu’il n’a pas encore cinquante ans…
La crise de l’hôpital, une crise financière ?
La crise de l’hôpital est certainement une crise financière. Mais pas que. En effet, depuis plusieurs décennies :
- La contention à tout prix des dépenses de santé, le fameux ONDAM a conduit, en quelques années, le « meilleur système de santé du monde » à un niveau réel ressenti digne de celui d’un pays sous-développé.
- La fixation arbitraire du prix des médicaments nouveaux a fait fuir les principaux laboratoires mondiaux avec toutes les conséquences que cela implique.
- La crise du Covid a montré que la recherche des économies avait malheureusement conduit par exemple à détruire les stocks de masques sans les renouveler.
- Les hôpitaux investissent plutôt dans des ordinateurs pour le personnel non-soignant que dans le matériel médical, petit, comme les surblouses, et gros.
En outre, tout le monde a remarqué que la déconfiture de l’hôpital a suivi l’application des 35 heures. Mais pas un politique n’a eu le courage de dire que cette idée géniale qu’aucun autre pays n’a suivi était peut-être à revoir. Et madame Aubry est toujours maire de Lille…
La santé doit avoir un prix
Cependant, la cause profonde de la crise n’est peut-être pas qu’une question de gros sous. Et je crois même que cette crise illustre parfaitement un des grands principes du libéralisme, peut-être même le plus grand dans le domaine économique : le rôle du prix comme indicateur essentiel dans la bonne marche de l’économie.
La tendance socialisante dans laquelle notre pays baigne jusqu’au cou s’efforce malheureusement d’éliminer ce précieux indicateur dans un grand nombre de domaines, conduisant d’ailleurs infailliblement à la catastrophe. Les exemples sont innombrables, et s’ils sont fidèlement rapportés par les médias et par des organismes aussi fiables que la Cour des comptes, la tendance se poursuit cependant inéluctablement.
En ce qui concerne la santé, les grands principes communistes du Conseil National de la Résistance ont eu entre autres pour conséquence de détruire aux yeux du public la notion même de prix de la santé. Et le principal résultat de cette folie fut que pour le public, mais aussi pour tout le personnel de santé, y compris les organismes régionaux et jusqu’au ministère, la santé n’a pas de prix. Au sens propre autant que figuré. Ou alors, un tout petit prix de rien du tout. Et c’est pour cette raison que les salaires sont très bas et les consultations de plus en plus lointaines, comme d’ailleurs les vocations médicales.
Le libéralisme voudrait que dans le domaine de la santé comme ailleurs, la notion de prix réapparaisse. Et que chacun, en tant qu’ individu libre et responsable soit aussi responsable de sa santé et en paye donc le prix. Que les individus nécessiteux soit aidés par la communauté, cela semble aller de soi.
Que les grosses interventions soient aussi aidées, cela semble une bonne pratique. Mais que le moindre bobo fasse l’objet d’une prise en charge par la communauté n’est pas un progrès. C’est même une grave erreur qui conduit à une dévalorisation totale de l’acte de soin.
Mêmes causes, mêmes effets
À la lecture de la composition des partenaires de la discussion du Ségur de la santé, il est malheureusement évident que les principes libéraux ne seront pas appliqués. Dans les hôpitaux, les salaires seront certainement largement augmentés, le temps de travail peut-être lui-même augmenté un peu, mais probablement restera dans le cadre des 35 heures, et on ne remettra certainement pas en cause ce stupide totem.
Il s’ensuivra que les investissements en matériel ne seront probablement pas au rendez-vous, car tout l’argent aura été pris par les augmentations de salaire. Les fermetures de lits seront abandonnées, ce qui va continuer à augmenter le prix toujours bien caché de la santé. Et finalement, dans cinq ou dix ans, les mêmes causes produisant les mêmes effets, un nouveau Ségur sera nécessaire.
Ces prévisions pessimistes supposent néanmoins que les taux d’intérêts proposés pour la dette française resteront bas ou nuls. Cependant, rien n’est moins sûr. Et de toutes les façons, il faudra bien continuer à rembourser le principal de cette fameuse dette. Donc, la situation est encore pire que ce qui est décrit plus haut.
La dette ? Mais quelle dette ?
D’aucuns, comme Esther Duflo prix Nobel d’économie 2019 pensent que le remboursement d’une dette à échéance très lointaine serait indolore pour les Français. Personnellement, j’en doute fortement. Certains optimistes de gauche soutiennent l’hypothèse que cette dette ne serait jamais remboursée, ce qui, entre nous, démontre une certaine malhonnêteté en fond de conscience chez ces donneurs de leçon.
Comment considéreriez-vous en effet la personne à qui vous auriez prêté de l’argent parce qu’elle était dans le besoin, qui vous déclarerait qu’elle n’a pas l’intention de vous rembourser ? Par ailleurs, cette personne se trouverait définitivement dans l’impossibilité d’emprunter de nouveau si son comportement était révélé.
De la même façon, les États qui empruntent en permanence se doivent d’assurer leur respectabilité et sont donc dans l’impossibilité pratique de faire défaut. En ce qui concerne la France, compte tenu des échéances courantes, la dette est remboursée en permanence, et le jeu consiste à remplacer les fonds arrivés à échéance par de nouveaux emprunts. Ce jeu s’apparente d’ailleurs au délit de cavalerie bancaire, qui se termine invariablement très mal dans le monde des affaires.
Souhaitons qu’il se termine le moins mal possible pour ceux qui assurent en permanence l’apurement des comptes nationaux en payant de nouveaux impôts. cependant, si la charge fiscale venait à croître encore, il est fort possible que l’on pourrait assister à une véritable révolte fiscale qui, elle, pourrait se terminer très mal pour les titulaires du pouvoir…
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