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Pays-Bas : entre manifestations des agriculteurs et chimie approximative des medias

Il est probablement difficile pour un non-chimiste de parler de produits chimiques. La chimie est en effet une science dite exacte ce qui signifie que l’approximation en est bannie.
Screenshot 2023 03 24 at 13 36 20 Pays Bas la colere des agriculteurs YouTube 600x400Peut-être en raison de mon passé de chimiste, la rédaction de Contrepoints m’avait demandé de commenter la révolte des fermiers néerlandais face aux mesures gouvernementales destinées à réduire les émissions de gaz à effet de serre. À l’appui de sa demande, la rédaction me donnait en référence un article du magazine L’Express paru en juillet 2022 qui faisait le point sur cette révolte. J’ai donc entrepris la lecture de cet article.

Dès les premières lignes, un certain étonnement m’a pris, qui s’est rapidement transformé en sourire dubitatif avant de tourner en franche rigolade. En effet, c’est certain, l’auteur de l’article a carrément oublié (s’il les a jamais suivi) les cours de chimie du secondaire qui traitent de la composition de l’air que nous respirons.

Jugez plutôt :

« Des fermiers néerlandais protestent régulièrement depuis le 10 juin et l’annonce par le gouvernement de projets destinés à réduire les émissions d’azote, un gaz à effet de serre ».

L’azote (N) ou plutôt le diazote (N2) car la molécule comporte deux atomes d’azote liés entre eux n’est pas un gaz à effet de serre. D’ailleurs, pour avoir la propriété d’effet de serre la molécule d’un gaz doit être dissymétrique afin de constituer ce qu’on appelle un dipôle, c’est-à-dire un système qui possède entre autres la capacité de vibrer et/ou de se déformer à une fréquence bien définie. Or, la molécule de diazote est parfaitement symétrique et n’est pas capable d’absorber un rayonnement infrarouge en entrant en vibration comme peuvent le faire les molécules de CO2 ou les molécules de vapeur d’eau.

« Les agriculteurs néerlandais sont en colère. En cause : la politique de réduction des émissions d’azote ».

L’air de l’atmosphère terrestre est composé d’un mélange de deux gaz principaux, le diazote (78,1 %) et le dioxygène (20,9 %) et d’une série de gaz secondaires : l’argon (0,93 %), le CO2 (425 ppm), le néon (18,2 ppm), l’hélium (5,2 ppm), le méthane (1,7 ppm) et le krypton (1,1 ppm). Plus de la vapeur d’eau en quantité très variable (de 0,5 % à 5 % suivant les lieux géographique et la saison). Vouloir contrôler les émissions d’azote dans l’air serait à peu près aussi stupide que de vouloir réglementer les rejets d’eau dans la mer pour éviter de noyer les poissons…

« Des manifestants ont par ailleurs franchi de façon violente un barrage de police à proximité du domicile de la ministre néerlandaise de la Nature et Azote Christianne van der Wal à Harderwijk, qui a présenté ce plan avec le Premier ministre Mark Rutte ».

Ici, une approximation plutôt politique : madame Christianne van der Wal est plus précisément ministre de la Nature et de la Politique de l’Azote (minister for Nature and Nitrogen Policy). Il aurait été plus clair de remplacer « Politique de l’Azote » par « politique concernant les composés de l’azote ».

« Les fermiers néerlandais s’opposent aux projets du gouvernement destinés à réduire les émissions d’azote ».

Le projet du gouvernement néerlandais n’est évidemment pas de réduire les émissions d’azote. Il est de réduire les émissions de protoxyde d’azote (N2O) et des ions nitrates (NO3-) qui sont tous les deux des dérivés de l’azote.

Les émissions de protoxyde d’azote relatives aux activités agricoles proviennent de la gestion des effluents d’élevage. Le protoxyde d’azote est un puissant gaz à effet de serre (GES) ayant un pouvoir de réchauffement global (PRG) sur 100 ans 310 fois plus élevé qu’une masse équivalente de CO2. Il est donc déclaré comme participant grandement au réchauffement climatique de la planète. Le protoxyde d’azote contribue également au phénomène de destruction de la couche d’ozone.

Les ions nitrates (NO3-) proviennent essentiellement des engrais mais peuvent aussi se former par oxydation naturelle des ions ammonium (NH4+) issus des déjections animales (nitrification).

Globalement, l’élevage est donc un émetteur important de composés de l’azote.

« L’azote est un composé de l’ammoniac et pollue l’air et les cours d’eau. Il est notamment à l’origine des algues vertes et peut se transformer en particules fines ».

On est là en plein délire de chimie approximative. Tout d’abord, l’azote n’est pas un composé de l’ammoniac, mais un composant de la molécule d’ammoniac (NH3) : nuance importante… La molécule d’ammoniac comporte trois atomes d’hydrogène (H) et un atome d’azote (N).

L’azote et sa molécule naturelle stable le diazote est le composant principal de l’air que nous respirons. Il est donc très stupide de dire qu’il pollue l’air et les cours d’eau. Ce n’est pas l’azote qui est « à l’origine » des algues vertes mais plutôt les ions nitrates (NO3-) qui favorisent leur développement car elles s’en nourrissent.

La transformation de l’azote en particules fines ne serait possible que si la température descendait en dessous du point de congélation du diazote, soit -210 degrés… Des particules fines contenant des nitrates peuvent se former au-dessus de la mer à partir des embruns et à condition que l’eau des embruns s’évapore. Cependant, la teneur en chlorures de l’eau de mer (19,35 %) est bien plus forte que celle des nitrates (30 ppm soit 0,0030 %), si bien que s’il y a formation de particules fines, celles-ci seront essentiellement composée de chlorure de sodium (sel marin) avec seulement des traces de nitrate de sodium.

Certains produits azotés sont donc bien à l’origine de pollutions : le protoxyde d’azote, gaz à effet de serre et destructeur de la couche d’ozone ; les ions nitrates, qui provoquent la prolifération des algues vertes (principalement ulves) ; l’ammoniac qui peut se transformer en ions nitrates.

Tous ces produits azotés sont issus de l’activité d’élevage et si l’on veut réduire ces émissions, il est clair qu’il faut réduire l’activité d’élevage, c’est-à-dire le nombre de fermes qui représentent l’un des fleurons de l’agriculture néerlandaise.

Sur le web : Contrepoints

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Écrit par : Pierre-Ernest
Mis à jour : 27 Janvier 2024
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Une autre histoire des États-Unis à travers la vie d’un émigré, Joseph Allemand

Contrepoints Using light colours represent a young French emigr 252c9774 1158 40d1 9727 0bcbb0ff8c95 600x400Mon grand-oncle Joseph est né en 1867. Il appartenait à une famille de dix enfants (trois garçons et sept filles) qui vivaient chichement au XIXe siècle sur une pauvre exploitation agricole, dans un village des Alpes du Sud : Saint-Bonnet (aujourd’hui Saint-Bonnet-en-Champsaur), situé dans la vallée du Drac à environ 1000 mètres d’altitude.

Quand il fut majeur, à 21 ans, c’est-à-dire en 1888, mon oncle réalisa qu’il avait à choisir entre survivre à Saint-Bonnet, sans aucun espoir de voir sa situation s’améliorer, ou alors partir.

Partir, émigrer, c’était un acte volontaire de courage, une occasion de voir du pays, et de peut-être faire fortune. Mais c’était aussi faire face à des dangers inconnus, dans des contrées étranges et hostiles. Les histoires qu’on racontait sur ces pays nouveaux étaient à la fois attirantes et inquiétantes.

Mais ce que Joseph a surtout réalisé à ce moment, c’était un avenir à coup sûr sombre pour lui s’il ne prenait pas la grande décision. Partir, c’était au moins tenter sa chance, se donner une occasion de réussir.

Ne transformons pas Joseph en héros.

De nombreux jeunes gens de son entourage, à son âge, et à cette époque, partaient vers les Amériques : les premiers installés en Californie, au Wyoming, en Louisiane ou en Amérique du Sud (Brésil et Argentine) attiraient les suivants en leur servant de correspondant local. La tentation de partir était grande, car elle permettait, entre autres, à certains jeunes de se soustraire au service militaire qui était, à cette époque, une contrainte très lourde. En effet, à partir de 1872, la loi Cissé rendait le service militaire obligatoire pour tous les jeune hommes à l’âge de 21 ans, étendu ensuite à 20 ans (loi Barthou, 1913).

Il faut aussi savoir qu’à cette époque, et aussi étrange que cela puisse paraître aujourd’hui, les compagnies maritimes possédaient des agences dans les principaux villages de cette région perdue dans les montagnes, agences qui vendaient des billets de passage vers les principales destinations américaines : New York, La Nouvelle-Orléans, San Francisco, Rio de Janeiro et Buenos Aires. Cette situation donne aussi une idée de l’importance qu’avait pris l’émigration dans ces villages et à cette époque.

Je n’ai pas réussi à retrouver quelle était la situation militaire de Joseph en 1888. Compte tenu de son histoire et de sa réputation, il est peu probable qu’il se soit mis en situation de déserteur en se soustrayant à ses obligations militaires. Il a donc sans doute eu la chance de tirer un bon numéro lui attribuant une durée réduite de service de une année ou même moins.

Toujours est-il qu’à cette époque, sa décision prise et muni de son précieux passeport, Joseph prend le train (probablement pour la première fois de sa vie) à Grenoble, en direction du Havre pour s’embarquer sur le Normandie en partance pour New York. Il y arrivera le 4 juin 1888, apparemment en bonne forme. Il a en poche toute sa fortune : quelques centaines de francs probablement sous la forme de pièces d’or, qui lui permettront de payer le reste de son voyage, vers un emploi qu’il a probablement réussi à trouver par l’intermédiaire d’un camarade parti avant lui.

Après un séjour forcé de quelques jours dans le service d’immigration de Fort Clinton, au sud de Manhattan, (les services d’immigration d’Ellis Island n’ouvriront que trois ans plus tard en 1892) Joseph reprend le train, cette fois américain, pour un nouveau trajet d’environ huit jours qui va l’emmener dans le Territoire du Wyoming qui deviendra un État à part entière deux ans plus tard, en 1890.

Mon oncle descend du train au terminus : Casper. (le premier train en provenance de Chicago est arrivé à Casper le 15 juin de cette année 1888, et il est possible qu’il ait justement pris ce train). Il va rapidement continuer son chemin vers le Nord (cette fois, certainement à cheval), et il arrive enfin à Ten-Sleep, une petite bourgade à 1349 mètres d’altitude où il retrouve des montagnes qui ressemblent beaucoup à celles qui l’entouraient depuis sa naissance dans les Alpes. Ten-Sleep (dix sommeils) a été ainsi nommé par les Sioux parce qu’il leur fallait dix jours de marche (et donc 10 sommeils) depuis leur camp principal pour arriver dans ce lieu où ils faisaient sécher leurs viandes, probablement en raison de la sècheresse relative de l’atmosphère due à l’altitude.

Là, il se fait embaucher comme berger de moutons. C’est un métier qu’il connait bien, puisqu’il l’a pratiqué toute sa vie dans son exploitation natale.

À Ten-Sleep, malgré le climat rude, mais qu’il a déjà connu en France, les choses vont vite : en moins de dix ans, Joseph va suffisamment économiser pour acheter un ranch où il parque ses propres moutons. Bientôt, son troupeau atteint puis dépasse les dix mille têtes. Le miracle américain s’est accompli pour lui, et il est devenu riche.

Parallèlement, Joe (c’est son petit nom américain), qui est un grand et beau garçon, s’est marié avec Adaline Smith, fille du maître de poste de Ten-Sleep. Il auront deux fils. Ce mariage est probablement l'un des plus efficace déclencheur de la réussite de Joe. En effet, son beau-père avait une belle situation, et il a probablement aidé Joe à s’installer et à devenir quelqu’un. Le maître des postes était en effet un personnage-clé en milieu rural, puisqu’il permettait les voyages longs avant le développement de l’automobile, dans un pays immense comme les États-Unis. (l'autre déclencheur, c'est la modicité du prix du terrain concédé aux nouveaux colons par le Gouvernement américain).

Le 13 septembre 1901, Joseph (Joe) Allemand est naturalisé américain. En 13 ans, il a terminé le parcours du nouvel Américain, parcours qui transforme un immigrant pauvre et affamé qui débarque comme des milliers d’autres de bateaux chargés de personnes comme lui, en un bon citoyen qui a réussi : famille bien éduquée, maison et entreprise florissante. C’est l’accomplissement du rêve américain. Preuve de sa réussite : mon grand oncle a été élu membre de la loge maçonnique locale.

En 1903, Joe décide de faire un petit voyage en France, pour revoir sa famille française et le pays où il est né.

Il part pour New York où il demande un passeport qui lui est attribué le 11 août 1903 et dans lequel il déclare son intention de revenir aux États-Unis dans les deux ans.

Après son retour, Joe reprend sa vie de sheepherder (berger de mouton), devenu rancher (éleveur). Bien considéré par son entourage, il aurait pu continuer pendant de longues années à mener une vie heureuse.

Hélas, le sort en a décidé autrement.

Dans cette région des États-Unis, l’immense espace a d’abord été occupé par des ovins placés sous la garde de cowboys. Ces premiers occupants voient maintenant passer régulièrement des troupeaux de moutons en transit, qui s’arrêtent et paissent en passant l’herbe qui n’est pas précisément à tout le monde selon eux. Les sheepherders, quant à eux, estiment qu’il faut bien que les moutons passent quelque part pour aller d’un point à un autre, et qu’on ne peut pas empêcher chaque mouton de brouter l’herbe qu’il rencontre sur son chemin.

Les cattlemen, riches propriétaires d’ovins, ont défini des zones de passage interdites aux moutons, mais ces zones sont cependant régulièrement traversées par les sheepherders.

Cette situation a déjà amené à des affrontements violents entre cowboys et sheepherders.

Un certain nombre d’entre eux ont même trouvé la mort dans ces affrontements. Cependant, dans le Wyoming, à cette époque, les cattlemen sont nombreux et riches. Ils détiennent le pouvoir et sont maîtres de l’application de la loi. De ce fait, ces meurtres sont restés impunis, et une rancœur tenace (et certainement justifiée) anime un certain nombre de sheepherders.

Bref, la situation est devenue explosive.

Le soir du 2 avril 1909, Joe, et son nouvel associé Joe Emge, ramènent un troupeau de moutons d’environ 5000 têtes, de leur zone d’hivernage vers son ranch de Ten-Sleep. C’est un voyage d’environ 25 miles (40 kilomètres).

Ils sont accompagnés de Jules Lagier, un jeune immigrant, neveu de mon oncle, qui a d’ailleurs prévu de revenir en France pour accomplir ses obligations militaires, et de deux autres bergers : Bounce Helmer, 16 ans, et Pete Caffarel, lui aussi d’origine française. Ils voyagent dans deux sheepwagons munis de tout le confort.

Ils s’arrêtent à environ 10 miles (16 km) de Ten-Sleep pour passer la nuit. Joe avait téléphoné le matin à sa femme Adaline pour lui dire qu’ils arriveraient probablement le soir même, mais ils ont été retardés par une visite effectuée dans un ranch ami où ils ont diné jusqu’à une heure avancée.

La nuit est tombée. Soudain, sept cavaliers masqués surgissent : cinq d’entre eux se dirigent vers le troupeau, les deux autres vers les sheepwagons. Le jeune Helmer sort de son wagon pour aller protéger son chien. Il est aussitôt ceinturé et ligoté, ainsi que son confrère Pete Caffarel. Joe Emge sort de son sheepwagon avec son fusil automatique 35 dont il vient de faire l’acquisition et il tire en direction d’un des raiders : George Saban, puis rentre aussitôt dans le wagon. Sa balle a traversé le chapeau du raider et « fait un tunnel dans ses cheveux », aux dires du sheriff-adjoint Felix Alston qui fera l’enquête, qui remarque que le lendemain, Saban s’est fait couper les cheveux, et qu’il porte un autre chapeau. L’un des cavaliers arrose l’armoise sèche, herbe particulièrement inflammable située sous le sheepwagon dans lequel se trouvent Joe Emge, Joe Allemand, et Jules Lagier avec du kérosène pris dans une lampe. Il y met le feu. Bientôt, le sheepwagon est transformé en brasier.

Mon oncle sort du brasier les mains en l’air : il est abattu de deux coups de fusil automatique. L’examen du corps le lendemain et l’impact des balles confirmera qu’il avait bien les bras au ciel quand il a été abattu. Les deux autres occupants du sheepwagon n’ont pas le temps de s’évacuer : ils seront victimes de l’incendie, et leurs corps seront retrouvés le lendemain par les enquêteurs, complètement carbonisés et méconnaissables.

Pendant ce temps, les autres cavaliers sont allés "s’occuper" des moutons : ils les tuent en masse, ainsi que les chiens, dispersent les survivants puis disparaissent dans la nuit, non sans avoir pris la précaution de couper les fils du télégraphe afin d’éviter que la nouvelle du raid puisse se propager rapidement. Le sheriff-adjoint Félix Alston chargé des investigations sur cette affaire estimera à plusieurs milliers de dollars les dégâts causés par ce raid, et s’étonnera que les raiders se soient même acharnés sur les chiens qui étaient normalement aussi respectés que les chevaux.

Les deux jeunes bergers parviennent bientôt à se libérer de leurs liens et s’enfuient du lieu du drame pour se mettre en sécurité chez des voisins proches, d’où ils avertissent les autorités.

Comme déjà expliqué, le Wyoming restait, à cette époque, un endroit où la loi n’était pas forcément appliquée dans toute sa rigueur. Ce genre de meurtre était clairement « oublié » par les autorités, pour peu que de l’argent vienne graisser la patte des bonnes personnes. Dès les jours suivant l’attaque contre nos malheureux sheepherders, et sûrs de leur impunité, certains membres du raid n’hésitèrent donc pas à se vanter d’avoir participé à ce règlement de compte. Seulement, contrairement à ce qu’il s’était passé pour des meurtres similaires quelques années auparavant, les autorités locales du comté de Big Horn où se situe Spring Creek, lieu du raid, ont décidé cette fois de tout mettre en œuvre pour que la lumière soit faite sur cette affaire. Il faut préciser qu’à l’poque des faits, le gouverneur du Wyoming Bryant B. Brooks, est un éleveur de moutons.

Autre précision : en 1909, au Wyoming, le nombre de têtes d’ovins a atteint 6 millions, alors que celui des bovins est seulement de 675 000. Ce rapport de presque un à dix explique à lui seul pourquoi les meurtres de sheepherders ne pouvaient plus rester impunis… (source)

En 1905, les éleveurs de moutons avaient formé le Wyoming Wool Growers Association (association des producteurs de laine du Wyoming). C’est cette association qui a contribué financièrement au procès contre les sept membres du raid qui fut baptisé plus tard le Spring Creek Raid (raid du Spring Creek). C’est sous cette appellation que l’évènement est rapporté (par exemple dans Wikipédia).

L’argent apporté par l’association des éleveurs de moutons a servi à embaucher des avocats, à couvrir le coût de l’enquête, et à payer la protection des quelques 100 témoins qui seront appelés. L’association a engagé le détective vedette Joe LeFors, bien connu pour son rôle dans la condamnation de Tom Horn exécuté pour meurtre en 1903. L’enquête a permis d’appréhender et de mettre en prison les sept auteurs présumés du raid : Herb Brink, Ed Eaton, George Saban, Tom Dixon, Milton Alexander, Albert Keyes et Georges Farris.

Un grand jury a finalement été réuni à Basin City, chef-lieu du comté où se situe Ten-Sleep, en novembre 1909. Il est composé de fermiers qui n’ont pas de sympathie particulière ni pour les cattlemen ni pour les sheepmen. Le gouverneur du Wyoming, sans doute pour affirmer son autorité, a ordonné à la milice de sécuriser les rues de la ville et d’en protéger les citoyens. Les choses tournent donc pour la première fois en défaveur des raiders.

Sentant que leur situation risquait de tourner au désastre, deux d’entre eux, Albert Keyes et Georges Farris, confessent alors toute l’histoire en échange de leur impunité. Ils rapportent en particulier devant le jury un fait qui va précipiter les condamnations : Herb Brink aurait crié à Joseph, au moment où celui-ci sortait du sheepwagon les mains levés : « It’s a hell of a time of night to come out with your hands up » (« Tu perds ton temps à sortir les bras au ciel en pleine nuit ! »).

Les condamnations tombent. Herb Brink est convaincu de meurtre au premier degré et condamné à être pendu. Les autres raiders sont condamnés à la prison pour complicité de meurtre et incendie volontaire, les deux repentis Albert Keyes et Georges Farris sont graciés, conformément à la promesse faite.

Les choses venaient de changer dans le Wyoming : pour la première fois dans ce genre d’affaires, la justice avait fonctionné, et l’impunité des raids contre les éleveurs de moutons était devenue une coutume du passé…

Voici ce que sont devenus les autres raiders :

Eaton est mort en prison en 1914. Saban a réussi à s’échapper en 1913 au cours d’un transfert, et n’a jamais été retrouvé. Dixon a été libéré sur parole en 1912. Brink et Alexander ont été également libérés sur parole en 1914.

Mon oncle Joseph a été imité par son frère Marion Jacques dit Jack qui est, lui aussi, venu s’installer au Wyoming quelques années après Joseph, et aussi par une de ses sœurs, Marie, qui s’est mariée, et qui est venue ensuite s’installer à Los Angeles avec son mari. Les trois émigrants ont actuellement des descendants au Wyoming, dans l’État de Washington, et en Californie, et j’ai eu leurs adresses par l’intermédiaire d’un généalogiste américain lorsque je vivais au Texas, il y a bien longtemps maintenant.

Un de mes neveux qui est chercheur dans un laboratoire californien depuis plus de trente ans connaissait, lui aussi, cette histoire qui lui était régulièrement rappelée par ses collègues, parce que l’un des héros s’appelait Allemand comme lui. Je vous laisse imaginer sa surprise lorsque je lui ai appris, après mes recherches généalogiques, qu’il s’agissait tout simplement de son arrière-grand-oncle…

Sur le Web : Contrepoints

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Écrit par : Pierre-Ernest
Mis à jour : 27 Janvier 2024

+4 degrés, vous avez bien dit + 4 degrés ?

Les experts du climat nous annoncent que la France est susceptible de voir les températures augmenter beaucoup plus que les 2 degrés règlementaires de la COP21. Par ailleurs, les mesures annoncées pour tenter de pallier ce phénomène apparaissent ruineuses pour un résultat quasi nul. Enfin les règles européennes proposées ne sont pas équitables.

Quatre degrésC’est le Ministre de la Transition Ecologique qui ouvre le ban.

Lba France pourrait voir sa température moyenne augmenter de 4 degrés d’ici à 2100. C’est en tous cas, l’hypothèse « plausible » des autorités françaises en la personne du Ministre de la Transition Ecologique Christophe Béchu (Consultation publique). Enfin, disons plutôt 3 degrés, et même exactement 2,6 degrés car les 4 degrés, c’est par rapport à l’époque préindustrielle, et nous avons déjà franchi la barre des 1 degré, ce qu’un certain nombre d’ « experts » a déjà oublié (est-ce intentionnel ?) lorsqu’ils parlent des 4 degrés d’ici à 2100, « d’ici » signifiant sans ambigüité : « de maintenant ».

Face à ces prévisions plutôt angoissantes (mais n’est-ce pas leur but ?), le gouvernement  prend la mesure des évènements, et engage de sages mesures d’adaptation. Je dis « sage » parce que si l’hypothèse des +2,6 degrés se vérifie, c’est à peu près les seules mesures  intelligentes que l’on peut prendre. En effet, un certain nombre de spécialistes nous ont appris ou rappelé que les mesures consistant à réduire, voire à supprimer carrément toutes nos émissions de CO2 ne conduiraient à rien de concret : la France est un petit pays qui émet seulement 300 millions de tonnes de CO2 par an à comparer aux 32 840 millions de tonnes annuelles émises par le monde, soit environ 0,94 % du total.

Les résultats d’un petit calcul que tout le monde peut faire

Si on admet une relation linéaire entre l’augmentation de la concentration atmosphérique en CO2 et les degrés, ce qui est légitime si l’on reste dans le domaine étroit de quelques degrés, on peut considérer que les émissions de la France concourent à 0,94 % de l’augmentation des températures par effet de serre, soit 0,94 % de 3,89 degrés, soit donc 0,036 degré. Ces 3,6 centièmes de degré, c’est-à-dire à peu près rien du tout, c’est ce que la France pèse dans le monde, en « pouvoir de réchauffement ». C’est ce que le monde terrestre gagnerait si la France cessait tout à coup d’émettre la moindre tonne de CO2, autrement dit si on cessait, en France, de rouler en voiture, de se chauffer et de faire cuire nos aliments, entre autres. Soit, si la France disparaissait carrément de la carte du monde. Ce qui est une hypothèse, disons peu probable, non souhaitable, et, pour tout dire, complètement irréaliste.

J’ai surpris ce matin les « informés » de France-Info en train de discuter précisément du sujet des +4 degrés. Nous avons vu qu’il s’agissait plutôt de +2,6 degrés, mais gardons donc le premier chiffre, puisque c’est celui sur lequel s’est basée la discussion des Informés. Discussion qui a porté  non pas sur les mesures d’adaptation, qui, je le répèterai sans cesse, sont tout à fait adéquates, mais plutôt sur les mesures de restriction des émissions de CO2, dans le but  de réduire ce fameux réchauffement : “la France va se réchauffer plus que le reste du monde, les experts le disent. Redoublons donc d’efforts et faisons en sorte que notre pays reste habitable…“

Sauf que, les amis, ce n’est pas comme ça que ça fonctionne. Les mesures de restriction des émissions prises en France ne viendront pas rafraîchir les parages français, même si ce ne serait que justice. Non. Ces mesures produiront (malheureusement peut-on dire) leurs effets sur la totalité de l’atmosphère terrestre et seront donc diluées d’autant, ce qui correspond à une sacré dilution...

Mais ce n’est pas tout : Le « plan climat » que Madame Borne est en train de mettre en place consiste à réduire progressivement les émissions de gaz à effet de serre pour un coût estimé à 70 milliards d’euros par an jusqu’en 2030, soit un coût total de 400 milliards. Il correspond à une décision « de coin de table » des instances européennes dominées par les idées vertes avancées dont celles de Madame Ursula Von Der Layen. A l’issue de ce plan, les émissions devront avoir baissé de 55 %, et seront donc de 45 % des émissions actuelles soit 135 millions de tonnes. Cette baisse des émissions à 400 milliards d’euros conduira, si les estimations du GIEC sont correctes, à une baisse de la température moyenne (ou plutôt, pour être plus exact, à une moindre augmentation des températures moyennes de la Terre) de 0,036 x 0,45 = 0,0162 degré c’est-à-dire pas grand-chose, pour ne pas dire rien.

400 milliards, c’est environ 6 000 euros par Français, ou encore 24 000 euros par famille, que le gouvernement s’apprête à dépenser, pour obtenir une baisse de température de 1,6 centième de degré. Si vous considérez que cette dépense est justifiée en la comparant à l’effet escompté de réduction des températures de 1,6 centième de degré, n’appelez pas votre député pour lui demander des explications et éventuellement une justification.

Une égalité qui se moque de l’équité

En réalité, les directives européennes qui conduisent à fixer des objectifs de réduction des émissions de CO2 sont orientées, en sous-main, par les Allemands, de façon à ce que les intérêts germaniques soient toujours préservés. Prenons par exemple deux chiffres facilement vérifiables : les émissions de CO2 par habitant. (Source) Elles sont de 9,70 tonnes pour l’Allemagne Cout de l'adaptationet de 5,20 tonnes pour la France. (Valeurs 2017). Autrement dit, la France est un bon élève, l’Allemagne un mauvais. Mais les règles européennes fixées pour réduire les émissions ne tiennent pas du tout compte de cet état des choses, puisque on demande à tout le monde de réduire de la même fraction (55 %) les émissions de CO2.

Le graphique ci-dessous permet de comprendre le problème. Tout le monde sait (à part peut-être nos dirigeants européens) et c’est ce que le graphique exprime, que la tonne de CO2 évitée est d’autant plus chère à obtenir qu’elle est située plus à gauche sur le graphique : en effet, les premières tonnes évitées le sont par des moyens simples : isolation de bâtiments, réglementation de la circulation,  modulation des prix de l’énergie etc.

Cependant, au fur et à mesure que l’on réduit les émissions, le coût de la tonne de CO2 évitée devient de plus en plus élevé, car son obtention exige des moyens de plus en plus compliqués, et les solutions simples et bon marché ont naturellement déjà été mises en œuvre. Ainsi, les dernières tonnes atteignent un coût qui peut devenir prohibitif. C’est ce que le graphique exprime, (en unités parfaitement arbitraires, je le répète, car je n’ai pas les éléments pour faire un calcul précis).

La courbe rouge représente le coût moyen des mesures prises pour diminuer de 1 tonne par an et par habitant les émissions d’un pays européen donné. On observe que ce coût est d’autant plus bas que ces émissions sont plus élevées, ce qui favorise, en définitive les pays les plus émetteurs si on impose une réduction des émissions de la même fraction (55 %) pour tous les pays.

Si l’on place maintenant la France et l’Allemagne sur le graphique en fonction de leurs émissions respectives de CO2 par habitant, on remarque aisément que la tonne évitée supplémentaire revient nettement plus cher en France qu’en Allemagne. Il est manifeste que la règle du même pourcentage de réduction pour tous les pays d’Europe favorise nettement l’Allemagne, et défavorise la France. On ne peut pas faire comme si on ne l’avait pas remarqué…

L’ennui, c’est que nos propres dirigeants essaient de nous imposer ces règles, au lieu de les repousser vivement, comme ce devrait être leur devoir.

Conclusion

Alors, dépenser 400 milliards pour obtenir une amélioration de la situation climatique de 1,6 centième de degré, et nous imposer des règles qui favorisent notre principal concurrent et qui nous défavorisent nettement alors que nous faisons partie des meilleurs élèves de la classe Europe, ce n’est pas acceptable, à mon avis…

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Écrit par : Pierre-Ernest
Mis à jour : 10 Mai 2024

Retraites : les espoirs déchus de Laurent Berger

RETRAITES – Comment l’intransigeance de Laurent Berger a-t-elle mené à la déception massive des manifestants et conduit à sa propre démission ?

Contrepoints protest in france 4452b4de 122e 4b62 985c 9c3e3c8f31a0 1200x800Il existe une explication très simple à l’attitude du président à l’occasion de la contestation de la réforme des retraites. Il en existe une autre, encore plus simple, à la défection annoncée de Laurent Berger.

L’art de simplifier peut conduire à se fourvoyer

À l’occasion des manifestations syndicales, les journalistes et les commentateurs ont pour habitude de compter les points obtenus par chaque camp afin de déclarer, en fin de manifestation, qui a gagné et qui a perdu. Il est vrai qu’il est plus facile de commenter un évènement en l’assimilant à un match de tennis plutôt que d’essayer de faire comprendre aux auditeurs/lecteurs les différents enjeux ainsi que les conséquences des décisions diverses qui suivent souvent (mais pas toujours) ces actions.

Deux choses m’ont beaucoup frappé durant toute la période des manifestations provoquées par la réforme des retraites.

La première, c’est que la quasi-majorité des journalistes et commentateurs que j’ai entendus à la radio a pris le parti des manifestants et a critiqué le gouvernement, particulièrement la personne du président. Cette unanimité peut s’expliquer par le fait que les journalistes n’ont eux-mêmes pas du tout envie de travailler deux années de plus. Ou encore par leur désir inavoué, mais bien réel, de ne pas apparaître à contre-courant d’une opinion publique à 70 % défavorable à la réforme proposée.

La deuxième, c’est que l’on n’a pratiquement jamais entendu (à part évidemment les membres du gouvernement), l’expression des 30 % de personnes favorables à la réforme. En fait, j’ai eu l’impression assez désagréable que j’assistais à une entreprise de démolition systématique du projet gouvernemental. Décidément, le peuple français drogué au constructivisme ne supporte plus la libre expression d’opinions divergentes de la doxa ambiante. C’est une déformation inquiétante de la notion de démocratie.

Pour nos journalistes et commentateurs, si la question de la réforme est, espèrent-ils, encore loin d’être réglée, une autre conclusion est entendue : le président n’a rien compris à rien, et il persévère dans l’erreur quand il essaye de faire oublier la question des retraites et de vite passer à d’autres sujets en prétextant que le temps est compté, qu’il n’y a plus à revenir sur une affaire qui a été réglée dans la plus stricte légalité.

Des journalistes qui ne semblent pas avoir compris les ressorts de l’actualité

Un tel manque de jugement sur l’appréciation de la pensée du président est surtout inquiétant par son unanimité. Quoique, s’il est assez habituel que beaucoup se rangent à l’opinion dominante d’un groupe, surtout si cette domination est fortement exprimée, il n’en demeure pas moins qu’accepter sans discussion une affirmation aussi dépourvue de preuve est contraire à la logique. Il est en effet très peu probable qu’une personne capable d’émerger aussi rapidement, et d’accéder finalement à la fonction suprême, soit dépourvue de sens commun.

Après avoir observé Monsieur Macron pendant son premier quinquennat, il semble aussi relativement facile de comprendre qu’il n’est certainement pas homme à se tromper sur la meilleure stratégie à suivre.

Il est certain qu’il apprécie particulièrement la confrontation lors de circonstances tendues et le plaisir de s’extraire sans dommage de situations délicates. Il est aussi évident qu’il possède un don particulier pour évaluer avec justesse les rapports des forces en présence et choisir la voie la plus payante pour lui. Il est donc éminemment curieux d’entendre, jeudi soir dernier, lors de l’émission « Les informés de France Info », un aréopage de fins connaisseurs déclarer à l’unisson qu’il s’était trompé sur toute la ligne.

Reprenons le déroulement des faits.

Les forces syndicales ont organisé des actions revendicatives répétées, popularisées en leur temps par les Gilets jaunes, en comptant que celles-ci porteraient finalement leurs fruits en milliards d’euros, comme ce fut le cas pour ces derniers.

Seulement, il faut aussi tenir compte du fait que le président apprend de ses erreurs et ne les répète jamais.

Peu de manifestants ont réalisé que cette fois leurs actions, pourtant nombreuses et répétées sur le même rythme que celui des Gilets jaunes, avaient eu un effet à peu près nul. Outre le fait d’avoir compris que sortir le porte-monnaie pour résoudre une crise pouvait entraîner des conséquences néfastes selon la conjoncture financière, Emmanuel Macron sait que compenser année après année le déficit du régime des retraites – n’en déplaise à l’attitude rassurante du COR – n’est plus tenable en raison de la remontada impressionnante des taux d’emprunt, consécutive elle-même à une augmentation inquiétante de l’inflation.

Un simple coup d’œil au calendrier ci-dessus suffit pour expliquer l’urgence pour le gouvernement à montrer aux agences de notation que les difficultés de la France dans la maitrise de sa dette souveraine étaient entendues grâce à ses décisions courageuses et immédiatement appliquées. Pourtant, aucun des journalistes que j’ai entendus n’a fait le rapprochement de la situation de la France avec la promulgation immédiate et nocturne du projet de réforme des retraites après son examen par le Conseil constitutionnel.

En réalité, la probabilité pour la France de se trouver dans la même situation que la Grèce il y a quelques années était nettement plus forte que l’écho des slogans récités par des manifestants pourtant nombreux, et le choix de la bonne stratégie était à peu près évident.

Qui gagne perd

Il est maintenant clair qu’après le flux des manifestations viendrait le reflux des manifestants avec leur cortège de questions embarrassantes.

Car enfin, qui les a convaincus d’investir pour certains jusqu’à une bonne douzaine de journées d’action non payées dans un placement qui devait au départ leur procurer deux années de plus de retraite confortable (les deux meilleures) mais qui apparaît de plus en plus totalement utopique ? Ce sont bien les syndicats. Ce sont donc eux qui auront à s’expliquer devant la cohorte impressionnante des manifestants. Les syndicats, unanimement félicités par nos commentateurs pour la conduite exemplaire de leurs mouvements, pourraient bien être finalement les grands perdants de l’aventure, car les réponses qu’ils pourront apporter à leurs adhérents floués seront bien maigres et n’inciteront sans doute ni à de nouvelles adhésions ni à enrayer les défections qui pourraient bien s’ensuivre.

L’auteur des troubles se punit lui-même

Comme je l’ai expliqué dans un article récent, c’est curieusement par l’attitude d’une seule personne que le mouvement de contestation de la réforme des retraites s’est enclenché et a pris les dimensions exceptionnelles observées.

C’est en effet grâce à la position intransigeante de Laurent Berger que la convergence des syndicats a pu s’opérer et que la mayonnaise a pu si bien prendre. Le résultat principal du nombre aussi important de manifestants réunis a été la naissance d’un espoir immense : l’ampleur du mouvement massivement soutenu par une importante majorité, du moins selon ce que les sondages ont mis en lumière, ne pouvait qu’aboutir à une immense victoire. Ou du moins, c’était ce que la plupart des manifestants devaient avoir en tête. La déception va être d’autant plus grande.

Laurent Berger est catholique. Pour cette religion, le péché doit être expié pour être absous. Dit autrement, la faute doit être réparée pour être pardonnée. Comprenant que son attitude rigide a encouragé des millions de personnes dans cette déroute, il a décidé de se priver lui-même d’une position prestigieuse et d’un travail qui le passionne certainement.

Dans mon dernier article, j’avais soulevé l’occurrence possible d’un changement de secrétaire général de la CFDT : à vrai dire, je ne pensais pas que cela arriverait aussi tôt. Décidément, les choses vont très vite en politique…

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Écrit par : Pierre-Ernest
Mis à jour : 27 Janvier 2024
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Retraites : l’homme à l’origine de la pagaille

Attendons-nous à ce que Laurent Berger soit condamné à attendre à la porte de Matignon ou de l’Elysée, pendant tout le temps que dureront encore les hostilités. 

Laurent Berger by OECDCC BY NC 2Nbore faisons pas plus attendre les lecteurs impatients : le nom de l’homme responsable, ce n’est pas celui du président actuel comme on pourrait s’y attendre. Non, l’homme en question se situe un cran en dessous dans l’échelle des célébrités : c’est Laurent Berger, secrétaire général de la Confédération Française Démocratique du Travail depuis novembre 2012.

Les conséquences de la sous-syndicalisation française

Moins d’un salarié français sur dix en France annonce qu’il adhère à un syndicat. Ce chiffre le plus bas d’Europe explique à lui tout seul le radicalisme du syndicalisme français :

Évidemment peu représentatif, surtout si l’on ajoute que trois syndicats se partagent le gros des adhérents, le secrétaire général d’un grand syndicat français est condamné (ou du moins il en est convaincu) à une attitude toujours en pointe afin, selon lui, de rameuter ses adhérents et d’en recruter des nouveaux.

Les syndicats ne représentent pas grand-chose en France. Cependant, le gouvernement en a absolument besoin car ils servent de justification aux consultations traditionnelles et cela même en l’absence de toute représentativité réelle comme c’est le cas actuellement. (songeons que Laurent Berger représente moins de 3 % des salariés français…). C’est en réalisant que sa position était aussi singulière, (responsabilité inexistante par suite de sa très faible représentativité et position d’interlocuteur incontournable du gouvernement) que le secrétaire général de la CFDT a décidé de sa stratégie.

Source : Statistica (OCDE)

L’enchaînement des évènements

Dès le début des discussions sur la réforme des retraites, Laurent Berger a tracé une ligne rouge concernant l’âge légal de départ : pas touche aux 62 ans ! Ce n’était peut-être pas sa conviction personnelle car de toute évidence c’est un homme intelligent qui sait probablement reconnaître les contraintes budgétaires mais il savait aussi que c’était le désir irréfléchi mais intense des salariés, et il faisait sienne la devise de Ledru-Rollin (1849) : « Il faut bien que je les suive puisque je suis leur chef ».

Il n’avait peut-être bien pas mesuré ce que cette attitude absolue allait provoquer.

Et en effet, son intransigeance fut l’étincelle qui a permis le rassemblement de tous les syndicats dans leurs revendications et dans la conduite de leur action. Supposons en effet une seconde qu’il ait choisi l’attitude inverse, d’ailleurs plus habituelle chez lui, et accepté de discuter de l’application des mesures d’âge de départ : l’unité syndicale n’aurait alors probablement pas été possible et l’ampleur du mouvement aurait été fortement réduite. Du coup, les politiques de gauche se seraient probablement divisés, tandis que les Républicains auraient certainement appuyé sans réserve le gouvernement, puisque la CFDT acceptait la discussion et que le spectre de leur non réélection changeait de visage. En conséquence, la loi serait passée sans la ressource du 49-3, et le pays se retrouverait aujourd’hui dans une paix sociale agréable. Enfin, supposons-le.

Il est cependant incontestable que la position de leader syndical inflexible avec lequel le gouvernement ne peut pas discuter pour arriver à un compromis est une position intenable à Laurent Berger qui bénéficie de sa popularité précisément parce qu’il discute habituellement avec le gouvernement.

Petite cause, grands effets ?

On entend souvent cet aphorisme, qui veut signifier que les grands évènements peuvent être provoqués par des détails insignifiants : Edward Lorenz (1972) a précisé cette constatation avec son « effet papillon », d’ailleurs souvent mal compris car on oublie le point d’interrogation dans le titre de sa conférence.

En réalité, les grands effets ne se manifestent que s’il existe des grands moyens pour les produire. Les petites causes sont ce que l’appui sur la commande de largage de la bombe est aux effets de l’explosion nucléaire sur Hiroshima : un évènement certes nécessaire mais minuscule par rapport à l’effet produit. Mais il faut aussi qu’il ait existé une nation puissante qui a inventé et mis au point la bombe, une industrie importante pour extraire l’uranium et l’enrichir, un avion et un pilote pour la transporter, etc. toutes choses qu’une petite nation aux petits moyens ne possède pas.

De la même manière mais dans un tout autre domaine, il a suffi de l’attitude d’un seul homme pour que des millions de personnes se mettent à manifester régulièrement dans toute la France, que les services publics se mettent en grève, que le carburant devienne rare dans les stations-service et que les marxistes divers commencent à penser au grand soir. Mais il fallait aussi que ces millions de personnes aient été remontées pendant des années par les médias et les hommes politiques, que les salariés se sentent de plus en plus bafoués par le pouvoir en place et que les syndicalistes sentent que la pression était suffisamment montée pour que la machine à manifester puisse se mettre en marche. Non, décidément, les petites causes ne produisent plutôt que de petits effets. Laurent Berger à lui tout seul a réussi à installer une pagaille rarement atteinte dans notre pays. Mais les choses étaient prêtes à fonctionner. Et malheureusement pour lui, monsieur Macron et madame Borne, tous les deux doués d’une capacité de raisonnement à niveaux multiples ont très probablement compris qui était le déclencheur.

L’épisode de la réforme des retraites va maintenant se terminer et malgré la position rigide de monsieur Berger, l’âge de départ à la retraite va atteindre progressivement 64 ans. Ce n’est d’ailleurs qu’une étape, et s’ils connaissaient le chiffre qui sera probablement atteint dans 25 ou 30 ans, les manifestants d’aujourd’hui en tomberaient à la renverse. C’est une déroute pour lui qui a cru que sa position était solide parce qu’il s’imaginait qu’on ne pouvait pas adopter une mesure lorsque la plupart des gens concernés n’en veulent pas.

Seulement, les conséquences peuvent être sévères pour lui. En effet, on n’attend plus que la réaction du Conseil constitutionnel, mais on peut être tranquille : le Conseil entérinera l’essentiel de la loi, en tiquant éventuellement (il faut bien qu’il justifie son existence) sur quelques détails secondaires. Les grèves continueront avec une participation qui ira en s’étiolant parce qu’on ne peut pas continuer longtemps à ne pas travailler et ne pas recevoir de salaire et qu’il faut bien payer son loyer, ses mensualités d’emprunt, ses vacances etc.

Quand on s’est trompé, il faut récupérer sa position

En personne intelligente, Laurent Berger a bien senti que ça aller mal se passer maintenant pour lui s’il persistait dans son intransigeance. Il lui faut donc trouver une solution de repli, autant que possible compatible avec la position qu’il a prise jusqu’à aujourd’hui mais qui lui permettra de reprendre son ancienne image d’intermédiaire bienveillant qui discute avec le gouvernement et trouve des solutions aux problèmes.

Seulement, il y a une grosse difficulté, conséquence directe de son attitude : le président d’une part, et madame Borne d’autre part n’ont probablement pas bien digéré, l’un comme l’autre, que Laurent Berger ait créé à lui tout seul ce chaos sans nom. Évidemment, ils ont aussi tous les deux besoin d’un Laurent Berger utile, qui sait discuter et arriver à des compromis lorsqu’ils consultent les partenaires sociaux et ils savent bien qu’on ne peut jamais compter sur la CGT de Philippe Martinez (ou de son successeur prochain).

Mais un Laurent Berger qui joue au Philippe Martinez, non, mille fois non, ce n’est pas possible ! Et il s’agit de le lui faire savoir et d’utiliser éventuellement sa déroute. Donc, une mise en quarantaine s’impose. Par ailleurs, une attitude intransigeante n’est payante que si elle permet des avancées significatives. Si elle n’aboutit sur rien, alors, les camarades risquent bien de le lui reprocher bientôt, en interne d’abord, puis sur la place publique à l’occasion des prochaines élections du secrétaire général…

Conclusion : attendons-nous à ce que Laurent Berger soit condamné à attendre à la porte de Matignon ou de l’Élysée pendant tout le temps que dureront encore les hostilités. Il ne pourra retrouver sa position et l’aura qui va avec que dans un temps où on aura oublié son attitude. Et il sera peut-être bien obligé d’utiliser en sous-main son influence dans les milieux politique et syndical qui est grande, pour essayer de faire cesser toute velléité de poursuite du mouvement. Son retour en grâce l’impose. Heureusement pour lui, en politique, les choses vont généralement plus vite que dans la vie. Cependant, il n’est pas exclu que le prénom du prochain secrétaire général de la CFDT ne soit pas Laurent.

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Écrit par : Pierre-Ernest
Mis à jour : 27 Janvier 2024
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