Ce très vieil article (2013) reste cependant d'actualité en ce qui concerne la technique. Je l'ai gardé pour permettre à chacun d'évaluer l'évolution des idées en dix ans.
Un jour, les énergies fossiles (gaz, pétrole et charbon) deviendront de moins en moins accessibles. Leur prix augmentera à un niveau tel qu'elles seront inutilisables pour la plupart des usages actuels : plus d'essence pour les moteurs ; plus de gaz pour le chauffage des bâtiments ; plus de pétrole pour la fabrication des mille et uns produits simples qui nous entourent (plastiques, produits chimiques divers, médicaments etc...). Ou plutôt, et en raison de leur prix de plus en plus élevés, ces produits, aujourd'hui facilement accessibles à un prix très bas, seront réservés à une catégorie de personnes de plus en plus restreinte.
Et un jour, il n'y aura plus rien d'accessible.
Ce jour-là sera la fin de la civilisation, notre civilisation...
ette réflexion est celle d'un grand nombre de personnes ayant honnêtement réfléchi à cette question fondamentale. Des personnes raisonnables et responsables, qui ont finalement admis que la seule attitude valable devant un problème sans solution était d'économiser autant que faire se peut des ressources qui de toutes façons, s'épuiseraient tôt ou tard.
De là est naît un mouvement fédérateur rassemblant un grand nombre des sensibilités de gauche comme de droite en faveur du renouvelable, seule sortie apparemment possible du problème du maintien de notre civilisation.
Mis en face d'un mur qui stoppe leur progression, certains s'arrêtent et se couchent. D'autres essaient de sauter par dessus le mur. D'autre encore essaient de le percer. Mais si le mur est trop haut ou trop solide, tous ceux-là doivent s'arrêter aussi.
Les seuls qui finalement seront capables de passer l'obstacle seront ceux qui auront l'idée et la persévérance de contourner le mur.
Voici la solution qui consiste à contourner le mur de la fin des énergies fossiles :
Un peu de prospective
D'après EDF, si on examine l'état des ressources fossiles connues à l'heure actuelle, au rythme de consommation actuel, on estime que les réserves identifiées de pétrole seront épuisées dans 46 ans, celles de gaz naturel dans 58 ans et celles de charbon dans 114 ans. Il faut cependant remarquer que depuis très longtemps, les réserves de pétrole exprimées en années au rythme de consommation actuel restent à peu près égales au chiffre de l'année précédente, ce qui signifie que les découvertes nouvelles compensent la consommation de l'année précédente. Il faut donc se méfier énormément des chiffres annoncés, et ce d'autant plus qu'ils sont plus précis. Ce qui ne remet évidemment pas en cause l'inéluctable épuisement, mais bien la date ou plutôt le période de celui-ci.
L'apparition des gaz de schiste par exemple a fortement modifié les prévisions (IEA, BP, Shell) concernant le gaz naturel, et les publications d'avant 2007 datent fortement si on les lit aujourd'hui, ce qui montre, par l'exemple, que les chiffres prospectifs sont, par nature, complètement faux.
On peut aussi remarquer, à la lumière des faits actuels, que l'inventivité humaine bouscule rapidement le tableau figé de la prospective élaboré avec une absence d'imagination remarquable et constante. Ainsi, le Club de Rome prévoyait dans son deuxième rapport en 1974 [1] que les réserves mondiales de charbon étaient de 2 000 ans. Aujourd'hui, EDF annonce un chiffre très précis de 114 ans, résultant probablement d'une règle de trois, mais certainement aussi faux que celui du Club de Rome.
Il est donc extrêmement périlleux de se lancer dans des démarches comme le Grenelle de l'environnement (2007) ou encore la transition énergétique telle qu'elle se déroule actuellement en France, en se fondant sur les chiffres prospectifs actuels concernant les réserves d'hydrocarbures fossiles. On a toutes les chances, en effet, de fabriquer une magnifique usine à gaz très détaillée et très fausse. Personne, en effet, ne connaît l'état du développement des technologies tel qu'il sera lorsque l'approche de l'épuisement des réserves commencera à faire ressentir ses effets. Le seul élément que nous connaissons avec une bonne probabilité, c'est le temps pendant lequel il restera encore suffisamment de réserves pour que l'on puisse déclarer que l'épuisement sera un phénomène futur. Et la longueur de ce temps sera certainement de l'ordre de plusieurs générations.
L'interchangeabilité des fossiles
Tout le monde ou presque sait que les centrales thermiques peuvent brûler aussi bien du gaz que du charbon ou du pétrole. Mais ce que tout le monde ne sait pas, c'est que cette interchangeabilité fonctionne aussi dans de nombreux autres domaines. Ainsi, la synthèse chimique a longtemps eu comme matière première, le charbon. Ce n'est que dans les années 1950 - 60 que le pétrole a pris la place du charbon, grâce à son prix plus bas.
Les carburants liquides (essence, gazole et kérosène) sont également facilement accessibles à partir du charbon. La société Sasol (Afrique du Sud) fabrique déjà ces carburants à partir du charbon, et fabrique même du gaz synthétique à partir de la même matière première. L'acétylène, issu du charbon, est un intermédiaire clé de la synthèse organique, plus riche encore que l'éthylène qui est l'intermédiaire clé actuel de la pétrochimie. On peut donc considérer les trois fossiles comme formant une unique famille, dont les réserves exprimées en années, sont les réserves de celui des trois membres qui présente la valeur la plus grande, en l'occurrence 114 ans si l'on se réfère aux chiffres de EDF. Il faut aussi noter que cette interchangeabilité se fait dans des conditions de prix comparables (voir l'exemple de Sasol) et si un jour on devait passer au charbon en remplacement du pétrole, le prix des produits fabriqués ne changerait pas beaucoup. En tous cas pas assez pour provoquer une crise majeure.
Il faut d'ailleurs insister sur cette interchangeabilité : j'ai vu des arguments puérils dans certains sites Internet expliquant en termes larmoyants que la fin du pétrole signifierait la fin de certains médicaments... et s'appuyant pour cela sur la fin de l'aspirine alors qu'on devrait savoir que depuis sa première synthèse en 1853 et pendant près d'un siècle, l'aspirine a été fabriquée à partir du phénol issu lui-même du goudron de houille.
Les carburants liquides à partir du gaz naturel ou du charbon
Les carburants liquides (essence, gazole et kérosène) peuvent être obtenus à partir du méthane ou du gaz de houille par le procédé Fischer et Tropsch inventé en 1923 par deux chercheurs allemands. Le méthane est le constituant principal du gaz naturel. Le gaz de houille est obtenu à partir du charbon.
La transformation du gaz naturel en carburant liquide est appelée GTL (Gas To Liquids). La transformation du charbon en carburant liquide est appelée CTL (Coal To Liquids). Il existe également un procédé utilisant la biomasse, appelé BTL (Bio to Liquids).
Le procédé partant du charbon a été exploité à grande échelle pendant la dernière guerre par les Allemands et les Japonais, puis par l'Afrique du Sud dans les années 1960, au moment de l'Apartheid. Dans la figure ci-contre, l'EIA (US Energy Information Administration) a fait figurer les différents modes de production du pétrole existants ou prévisibles, ainsi que leur coût de production et leur potentiel global (en milliards de barils). On voit que les procédés partant du charbon ou du gaz apportent respectivement environ 2 000 milliards de barils et 1 500 milliards de barils, à comparer avec les 1 100 milliards de barils déjà produits aujourd'hui (chiffre 2008) dans le monde, à un coût compris entre 3 et 30 $ le baril. Cette figure montre :
- que le potentiel des nouveaux modes de production additionné au mode conventionnel permet d'arriver à produire plus de huit fois ce que l'on a déjà produit en pétrole (la pénurie n'est pas pour demain)
- que le coût de production, et donc le prix de vente associé futur du pétrole n'atteint pas les sommets prévus par certains prévisionnistes particulièrement pessimistes (ou qui veulent faire passer un message bien précis). Un prix de vente à long terme de 120 $ le baril paraît assurer aux producteurs une marge comparable à la marge actuelle.
Les faits et les chiffres ci-dessus, aisément vérifiables sur l'Internet montrent que contrairement à une opinion très répandue, le pétrole ne manquera pas avant un temps relativement long : au rythme actuel de consommation ( 90 millions de barils par jour, soit 33 milliards de barils par an) il faudrait compter 239 ans. Avec un rythme 3 fois plus important que le rythme actuel, il reste encore environ 80 ans.
L'évolution de la technologie est toujours étonnante, il serait très surprenant, et même carrément impossible qu'en l'an 2093, la dernière goutte de pétrole ait été consommée. Il est très probable qu'entre temps, une ou plusieurs découvertes majeure aura (auront) complètement changé la donne. Il apparaît donc complètement irréfléchi de lancer dès aujourd'hui des actions plus ou moins contraignantes comme la taxe carbone pour économiser une ressource très abondante.
Les centrales nucléaires à neutrons rapides
Les centrales nucléaires actuelles, dites de première, deuxième ou troisième génération, utilisent toutes un combustible radioactif, qui peut être soit l'uranium 235 soit un descendant de l'uranium 235. Or, cet uranium coexiste dans son minerai, avec un autre isotope, l'uranium 238 qui lui ne participe pas à la réaction de fission. La proportion d'uranium 235 / uranium 238 est de 0,71 / 99,28 dans le minerai d'uranium (pechblende).
Les futures centrales (quatrième génération) seront capables d'utiliser non seulement l'uranium 235, mais aussi l'uranium 238, et - cerise sur le gâteau - le thorium 232, matériau trois fois plus abondant à la surface terrestre que l'uranium. Les deux produits, uranium 238 et thorium 232 sont des isotopes fertiles qui sont capables de donner, lorsqu'ils sont bombardés par des neutrons rapides c'est à dire non ralentis par des matériaux modérateurs, respectivement le plutonium 239 et l'uranium 233 qui sont eux des matériaux fissiles donc utilisables pour une réaction nucléaire.
Depuis 2011, la Chine a pris résolument position en faveur du développement des centrales au thorium. Elle s'intéresse spécifiquement à la technologie des sels fondus au thorium. Cette technologie, baptisée LFTR (Liquid Fluoride Thorium Reactor) consiste à dissoudre le thorium et/ou l'uranium sous forme de fluorure dans un solvant constitué par un mélange de fluorures de lithium et de béryllium (FLiBe) maintenu fondu à une température comprise entre 500 °C et 600 °C. Les produits de fission peuvent être extraits en continu par purification chimique, certain produits comme le krypton ou le xénon s'évacuant simplement du milieux sous forme de bulles. La réaction de fission est contrôlée par des barres de graphite. Les risque de fonte du cœur n'ont pas de sens puisque celui-ci est déjà fondu. Le risque d'emballement de la réaction nucléaire est naturellement limité par l'expansion du milieu sous l'effet de la surchauffe, ce qui a pour effet de réduire la surface de fission disponible sur le noyau de chaque atome fissile. Il en résulte une diminution du rythme de fission, et le système se régule de lui-même. Enfin, une sécurité supplémentaire est constituée par un bouchon de sel formant un tampon dont la température de fusion est adaptée : en cas de surchauffe, le tampon fond, et le cœur va se déverser dans des réservoirs dont la forme est conçue pour limiter la criticité à une valeur très inférieure à celle du réacteur. Les sels fondus constituent aussi le fluide de refroidissement qui apporte ses calories à un deuxième circuit de sel réfrigérant via un échangeur de chaleur. Le deuxième circuit actionne une génératrice de courant électrique (voir schéma).
L'Inde est le pays dans lequel les réserves de thorium sont les plus abondantes (500 000 tonnes, soit 30 % des réserves mondiales actuelles). Un réacteur de 500 MW a démarré en 2012 pour la production d'uranium 233. Six autres surgénérateurs sont annoncés, quatre d'entre eux pour 2020.
Le Japon, la Norvège , le Canada, la Russie et les USA ont tous des projets de centrale au thorium en cours. En France, le projet EVOL (CNRS Grenoble) travaille sur un réacteur LFTR, J'ai eu l'an dernier l'occasion de discuter avec un chercheur de ce projet qui considère (comme moi) que ce type de réacteur représente l'avenir non seulement du nucléaire, mais bel et bien de l'énergie mondiale.
Les énergies renouvelables éolienne et photovoltaïque
Le point commun entre ces deux source d'énergie, c'est qu'elles sont aléatoires. Ce qui signifie qu'elles produisent de l'énergie de façon discontinue, et à des moments peu prévisibles. Bien sûr, les défenseurs du tout-renouvelable prétendent qu'il y a toujours du vent quelque part. Malheureusement, il faudrait plutôt qu'il y ait toujours assez de vent quelque part pour pouvoir répondre aux besoins. Ce qui est loin d'être le cas comme je vais le montrer.
Hubert Flocard et Jean-Pierre Pervès ont établi un graphique concernant la production électrique d'origine éolienne dans les 7 pays d'Europe les plus concernés. La contribution éolienne 2030 de chaque pays a ainsi été établie en affectant à la production réelle 2010/2011, à climat équivalent, un coefficient multiplicateur : il correspond au ratio des puissances prévues en 2030 relatif à un scénario éolien renforcé, à celles opérationnelles fin 2010. Le foisonnement obtenu, est ainsi optimisé et fonction du poids respectif de chaque zone climatique en 2030.
(On appelle "foisonnement" l'aptitude du système à répartir l'énergie fourni par les éoliennes en production dans les régions où il n'y a pas de vent).
Les pays concernés sont les suivants : Allemagne, Autriche, Espagne, France, Danemark, Grande Bretagne et Irlande.
La courbe résultant du cumul de toutes les courbes par pays montre que malheureusement, il existe des minima de puissance fournie descendant jusqu'à 4 % de la puissance nominale. Si l'on veut continuer à fournir de la puissance électrique au cours de ces périodes, il faut avoir mis en route d'autres moyens de production d'énergie électrique.
Contrairement à la légende (ou plutôt à l'espoir de ses partisans) le tout éolien est donc parfaitement utopique.
Examinons maintenant le cas de l'énergie photovoltaïque. Il n'y a pas besoin de graphique pour montrer le caractère intermittent du photovoltaïque. Ce caractère, invisible avec les montages actuels qui consistent à installer un panneau solaire sur son toit et à vendre à EDF sur la base d'un prix exorbitant une petite quantité d'énergie facilement noyée dans le réseau compte tenu de sa faiblesse apparaît dès que la fraction par rapport à l'énergie totale dépasse 10 %. Il faut alors déployer des moyens de plus en plus importants pour compenser la baisse subite de production due au passage d'un nuage. En plus de coûter très cher, la production électrique par cette voie n'est réellement efficace que quelques heures par jour, au voisinage de midi. Malheureusement, la pointe de consommation nationale se situe plutôt vers 19h, et est la plus importante au début de l'hiver, alors que cette période est précisément celle de la plus basse production journalière moyenne par cette voie.
Pour le moment, l'intermittence de ces deux sources d'énergie n'est pas visible, car elle est facilement compensée par l'existence de centrales au gaz appelées centrales backup capables de réagir instantanément à la demande, et de prendre la relève des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques défaillants. Remarquons, en consultant la courbe, qu'il arrive des périodes de calme plat où la production est carrément nulle. Il en résulte que si l'on veut éviter la panne de courant, il faut que la puissance totale installée en centrales backup soit au moins égale à la puissance maximum demandée. En somme, les installations de fourniture d'électricité éolienne et photovoltaïque doivent obligatoirement être doublées par des installations de centrales au gaz de puissance au moins équivalente !
En raison de l'existence obligatoire de ces centrales backup au gaz, il est très clair qu'il est parfaitement illusoire de penser pouvoir remplacer la production actuelle d'énergie au moyen des hydrocarbures fossiles par des centrales éoliennes et/ou photovoltaïques, sauf à imaginer un stockage de l'énergie produite par ces centrales pour les jours où il n'y a pas de vent ou les heures où il fait sombre ou nuit. Or, aujourd'hui, un procédé de stockage de l'énergie électrique à l'échelle nécessaire n'existe pas. Ce problème essentiel et non résolu est carrément écarté par les partisans du tout-renouvelable. Certes, les personnes sensées pensent secrètement sans doute que le problème du stockage sera résolu avant la fin des hydrocarbures fossiles. Mais ce problème est si bien occulté, que la recherche, qui devrait se concentrer en priorité sur sa résolution est au contraire saupoudrée sur des sujets aussi vains que l'amélioration des performances des éoliennes ou des cellules solaires. Vains si effectivement il n'y a pas de stockage. En définitive, dans l'état actuel de la technique, les renouvelables seules ne sont pas en mesure de résoudre le problème de la disparition à terme des énergies fossiles.
Les autres sources d'énergie
Le principe de l'énergie hydroélectrique est connu et utilisé depuis plus de 2000 ans, d'abord pour actionner des moulins, puis pour produire de l'électricité. C'est la première historiquement et dans l'ordre d'importance des énergies dites renouvelables. C'est une autre façon d'utiliser rationnellement l'énergie du soleil et du vent. Cette énergie est en effet généralement trop dispersée pour pouvoir être utilisée rationnellement. Il faut donc d'abord la collecter, puis la concentrer. La collecte de cette énergie s'effectue par l'évaporation de l'eau présente à la surface de la planète. Le vent se charge ensuite d'amener la vapeur d'eau sur le relief. Celle-ci se condense alors sous l'effet d'un abaissement de température. L'eau est alors concentrée par les cours d'eau jusqu'à son passage dans des turbines qui transforme son énergie potentielle en énergie électrique. La plus grande partie de l'énergie emportée par la vapeur d'eau (chaleur latente de vaporisation) est d'ailleurs perdue au moment de sa condensation. Cependant, il en reste suffisamment pour que ce type d'énergie représente environ 16 % du mix électrique mondial. La production de l'hydroélectricité n'occasionne aucune émission de CO2. De plus, les barrages hydroélectrique peuvent stocker de l'eau avant turbinage, et peuvent donc potentiellement stocker de l'énergie (potentielle). C'est donc un mode production d'énergie idéal pour les gens qui reprochent au CO2 émis de provoquer un réchauffement climatique ou plutôt un dérèglement climatique, mot portant en lui-même une charge nettement plus négative propice à la propagande. Malheureusement, cet avantage de stockage d'énergie ne plait pas aux écolos, car il ne peut être créé qu'en construisant des barrages derrière lesquels se trouve une retenue d'eau qu'il faut bien établir au détriment de certains habitants des lieux, hommes et bêtes, les bêtes intéressent en général plus les écolos que ne le font les hommes. Ce type de production d'énergie est, de toutes façons limité par le nombre des sites existants favorables à l'implantation de retenues hydrauliques.
L'énergie des marées peut être utilisée pour faire fonctionner des usines marémotrices. C'est un type particulier d'énergie hydroélectrique. Contrairement à ce qui est souvent rapporté, l'énergie des marées n'est pas très importante : elle est évaluée à 2Gtep (gigatonnes équivalent pétrole). La consommation d'énergie mondiale est actuellement (2010) de 10 Gtep. Il faut donc avoir présent à l'esprit que seule une fraction de l'énergie des marées étant récupérable, l'énergie marémotrice ne pourra fournir, à l'avenir, qu'une faible part des besoins mondiaux.
La fusion nucléaire permet de libérer d'énormes quantités d'énergie : 3 ou 4 fois plus qu'une réaction de fission à poids égal. De plus, l'une des matières premières nécessaire à la réaction de fusion, le deutérium est présent à raison de 33 grammes par mètre cube d'eau de mer, ce qui constitue une ressource pratiquement illimitée (L'autre matière première peut être l'hélium ou le tritium, lui-même accessible par transmutation). Les procédés (théoriques) à mettre au point pour accéder à l'énergie de fusion doivent maîtriser des températures et des pressions très élevées sont essentiellement :
- Les procédés à confinement magnétique : le projet ITER rentre dans cette catégorie
- Les procédés à confinement inertiel : le projet de laser Mégajoule rentre dans cette catégorie.
L'humanité résoudra très certainement un jour les problèmes posés pour l'utilisation de ces procédés. Cependant, le délai n'est pas connu et pourrait être supérieur au temps qui s'écoulera avant la fin des hydrocarbures fossiles utilisables. J'élimine donc délibérément la fusion nucléaire comme solution aux problèmes énergétiques à venir.
L'énergie géothermique est dore et déjà utilisée de par le monde dans les zones propices (exemple : l'Islande). C'est une énergie renouvelable (ou presque) d'origine nucléaire. En effet, la chaleur terrestre d'autant plus grande qu'on la mesure à une plus grande profondeur, du moins jusqu'à quelques centaines de kilomètres, est provoquée par la décomposition (fission) des atomes radioactifs d'uranium 235, de potassium 40 et de thorium 232. Pour récupérer cette énergie à grande échelle, il faudrait pouvoir forer à grande profondeur jusqu'à la discontinuité de Mohorovičić située à profondeur comprise entre 20 et 90 km. Le record de profondeur de forage appartient, pour l'instant, aux Russes qui ont réussi à forer jusqu'à 13 km environ. Il y a donc encore beaucoup de chemin à faire, en particulier pour trouver les matériaux ou les techniques qui permettront de forer à des températures qui atteindront la température de fusion de la roche et ceux ou celles qui permettront au trou de rester ouvert à cette température. L'exploration de cette partie de la Terre située pourtant sous nos pieds mais à plusieurs dizaines de kilomètres rendra probablement accessibles des ressources énergétiques fabuleuses. Mais celle-ci est aujourd'hui hors de portée.
Mais alors, que faire lorsqu'il n'y aura plus de charbon ni de gaz naturel ?
Que ce soit en l'an 2093 ou après, il arrivera, c'est certain, un moment où le pétrole, le charbon et le gaz naturel se feront de plus en plus rares, jusqu'à devenir économiquement inaccessibles. Serons-nous alors arrivés à la fin de notre civilisation ?
Bien sûr, si nous apprenons aujourd'hui à faire des économies, peut-être que nos arrières petits enfants (en 2093 d'après EDF) pourront bénéficier d'une échéance repoussée de vingt ou trente ans. peut-être même de quarante. Mais que se passera-t-il après ?
J’arrête le suspense : il ne se passera rien du tout si on dispose, à cette époque, de centrales nucléaires de quatrième génération. Les centrales nucléaires de quatrième génération sont en effet capables dès aujourd'hui de fonctionner en utilisant l'uranium 238 ou le thorium comme combustible de départ. Ces deux métaux sont abondamment présents sur Terre, et il est raisonnablement permis d'espérer que l'humanité disposera de ces ressources pendant un temps qui s'exprime plutôt en milliers d'années. L'uranium 238 est d'ailleurs présent aussi dans l'eau de mer. Les réserves, dans ce cas, sont encore beaucoup plus grandes (4,5 milliards de tonnes).
Mais, il faudrait que je donne quelques explications complémentaires pour justifier qu'il ne se passera rien du tout si on dispose de ces fameuses centrales.
Les carburants liquides permettent d'alimenter les moteurs thermiques des véhicules. Ils sont une source d'énergie facile à stocker et à transporter. Les véhicules électriques qui tentent de les remplacer, sont alimentés par des batteries qui sont très loin de savoir stocker autant d'énergie que ne le font les carburants liquides. Il y a des explications théoriques à ce problème que je ne développerai pas, mais qui me paraissent être des facteurs limitants définitifs. Je me trompe peut-être, mais je pense que les véhicules à moteur thermiques ont un avantage définitif sur les véhicules électriques, et que cet avantage ne pourra jamais être effacé. Je considère donc que l'utilisation des carburants liquides pour les transports perdurera pendant très longtemps encore 1.
Les carburants liquides sont constitués par un mélange d'hydrocarbures saturés ou insaturés. Ils peuvent être considérés comme une forme condensée d'hydrogène (et de carbone), bien plus simple d'utilisation que l'hydrogène comprimé ou liquide. La combustion de ces hydrocarbures libère une énergie égale à celle qui est libérée par la combustion de l'hydrogène et du carbone présents dans la molécule plus une énergie importante qui est l'énergie de liaison qui maintient ensemble les atomes d'hydrogène et de carbone qui constituent la molécule d'hydrocarbure. Un mélange d'hydrocarbure constitue un condensé d'énergie extraordinaire bien plus performant que la plus performante des batteries, et si on exprime par unité de volume l'énergie contenue, ce mélange est battu seulement par les matériaux fissiles.
Pour fabriquer un hydrocarbure synthétique, il faut donc :
- Du carbone
- de l'hydrogène
- de l'énergie thermique
L'hydrogène gaz peut être fabriqué à partir d'eau, par électrolyse, et avec un rendement énergétique de l'ordre de 80 %, à condition de disposer d'électricité qui peut être fournie par une centrale nucléaire.
L'énergie thermique peut être apportée aussi par une centrale nucléaire, soit directement (réacteur de quatrième génération refroidi à l'hélium), soit par l'intermédiaire de la production d'énergie électrique.
Sans pétrole, le carbone peut être trouvé facilement en brûlant incomplètement le bois, ce qui fourni du charbon de bois qui est composé de carbone assez pur. Cependant, les expériences récentes de fabrication de carburants à partir de végétaux a montré que la demande mondiale en carburant était telle, en volume, que le charbon d'origine végétale n'était pas suffisant pour cet usage. Heureusement, il existe une source de carbone presque illimitée et bien répartie à la surface de la Terre : c'est tout simplement le carbonate de calcium (CO3Ca) qui est le constituant presque unique des roches calcaires. Le carbonate de calcium chauffé vers 900 °C se décompose en 2 phases : une phase gazeuse composée exclusivement de CO2 et une phase solide, la chaux vive (CaO). Cette réaction est la base de la fabrication des ciments ou du carbonate de sodium (procédé Solvay). Elle est endothermique, c'est à dire qu'il faut non seulement chauffer à 900 °C, mais aussi apporter de l'énergie thermique pour réaliser la séparation entre le CO2 et l'oxyde de calcium ou chaux vive. Comme on est dans le cas de figure où il n'y a plus de pétrole, cette énergie et cette température peuvent être apportées par de l'hélium servant de fluide de refroidissement à une centrale nucléaire au thorium. Le CO2 produit peut réagir avec de l'hydrogène (produit par électrolyse de l'eau comme expliqué ci-dessus), le courant nécessaire étant fourni par une centrale nucléaire. La réaction du CO2 et de l'hydrogène fournit du méthane, constituant principal du gaz naturel (réaction de Sabatier). Le méthane peut ensuite être transformé en carburant liquide par le procédé GTL (gas to liquid) cité plus haut.
Bien sûr, me direz-vous, mais le coût d'une telle voie de synthèse doit être exorbitant !
Reportons-nous au graphique ci-dessus : le coût de la voie GTL (gas to liquids) est compris entre 40 et 150 $/bbl. Les différences entre ces deux valeurs viennent de la provenance du gaz. Le coût du procédé lui-même est donc inférieur à 40 $/bbl . Il faut y ajouter le coût du CO2 et de l'hydrogène : ces deux coûts sont essentiellement énergétiques.
Réactions :
CO3Ca → CO2 +CaO (CO2 à partir du calcaire) CO2 + 4H2 → CH4 + 2H2O (réaction de Sabatier) et H2O → H2 +½O2 (électrolyse de l'eau)
Globale : CO3Ca + 2H2O → CH4 +CaO + 2O2 (réaction théorique ne servant que pour les calculs)
Enthalpies de formation : les enthalpies de formation du CO2 et de l'eau dans les réactions ci-dessous s'obtiennent en faisant la différence entre les enthalpies standards de formation du produit de départ et la somme des enthalpies standards de formation des produits formés
La consommation de chacun des produits dans la réaction de Sabatier est donnée par le rapport des masses dans la formule, multiplié par le rendement.
Le coût énergétique de fabrication des réactifs dans la réaction de Sabatier s'obtient en multipliant la dépense énergétique (enthalpie de formation par tonne multiplié par la consommation) exprimée en kWh par le prix de l'énergie.
CO3Ca → CO2 + CaO 4H2O → 4H2 + 4O2 et CO2 + 4H2 → CH4 + 2H2O |
Produit |
Enthalpie de formation (kJ/mole) |
Masse molaire (g) |
Masse dans la formule (g) |
Rendement (%) |
Consommation (tonne/tonne) |
Coût de fabrication ($/tonne) |
Coût final ($/tonne de CH4) |
CO2 |
-102 |
44 |
44 |
98 |
2,81 |
45 |
126 |
4H2 |
-242 |
2 |
8 |
85 |
0,54 |
588 |
346 |
CH4 |
x |
16 |
16 |
Electricité ($/kWh) : |
0,07 |
x |
Les calculs rapportés dans les tableaux ci-dessus nous montrent qu'avec une électricité à 0,07 $ par kWh (électricité nucléaire), le coût énergétique dû au CO2 est de 126 $/t tandis que celui dû à l'hydrogène est de 346 $/t. Il faut ajouter un coût de process qui peut être évalué à 1 000 $/t, ce qui nous donne finalement un carburant liquide valant :
1 472 dollars par tonne, soit 0.90 € par litre
A ce prix là, et même en ajoutant une marge confortable pour le fabricant, il est bien évident que les moteurs thermiques continueront de tourner 1. La fin des hydrocarbures fossiles verra donc sans doute les voitures continuer à rouler, les avions à voler et les bateaux à naviguer. Quelle étrange conclusion, si éloignée du discours pessimiste ambiant !
Première publication : septembre 2013 - Mise à jour : juin 2024
(1) Je sens que l'on va me reprocher tout le CO2 émis par ces véhicules à moteur thermique. Je conseille donc au lecteur intéressé de lire les articles du présent site traitant de l'influence réelle du CO2 sur les températures de surface. Si cependant cette question reste posée, il existe une autre solution que les hydrocarbures liquides pour faire tourner les moteurs thermiques : c'est d'utiliser de l'ammoniac comprimé à la place. Les moteurs diesels actuels sont capables, sans modification importante, d'utiliser l'ammoniac : celui-ci ne dégage, en brûlant que du diazote et de l'eau. Les performances énergétiques de l'ammoniac restent très supérieures, à masse égale, à celles des meilleurs accumulateurs. Elle sont cependant moins de moitié inferieures aux hydrocarbures classiques. La fabrication de l'ammoniac ne nécessite, elle aussi que de l'énergie électrique, les matières premières sont l'eau et l'air (une vraie synthèse alchimique...)
Bibliographie
Mihajlo Mesarovic et Eduard Pestel - "Stratégie pour demain, 2ème rapport au Club de Rome" - Seuil - ISBN 2-02-002798-4
Jacques Foos et Yves de Saint-Jacob - "Peut-on sortir du nucléaire ?" - Hermann - ISBN 978 2 7056 8172 2
Bernard Wiesenfeld - "L'énergie en 2050, nouveaux défis et faux espoirs" - EDP Sciences - ISBN 2-86883-818-9
J'ean-Christophe de Mestral - "L'atome vert, Le thorium, un nucléaire pour le développement durable" - Favre - ISBN 978-2-8289-1244-4
François Roby - "Vers la voiture sans pétrole ? - EDP Sciences - ISBN 2-86883-874-X
International Energy Agency : WORLD ENERGY OUTLOOK 2008 et 2013
BP Energy Outlook 2030 - January 2013
Shell energy scenarios to 2050
République Française - Ministère de l'Economie et des Finances - Jacques PERCEBOIS & Claude MANDIL - RAPPORT ENERGIES 2050
Christian Gérondeau - "CO2 un mythe planétaire" - Editions du Toucan - ISBN 978-2-810002-46-7
Wade Allison - "Radiation and Reason - The Impact of Science on a Culture of Fear" - ISBN 978-0-9562756-1-5
Jean-Marc Jancovici - "Changer le monde - Tout un programme !" - Calmann-Lévy - ISBN 978-2-7021-4214-1